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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

"Je tu" Martin Buber

Publié le 14 Juin 2020 par F. B.

"Je tu" Martin Buber

 

J’ouvre ce soir le livre de Martin Buber, homme du XIXème siècle, mais grand homme du XXème siècle. Il a vécu à Lemberg en Ukraine (Lviv !!! Comme le livre que j’ai acheté ce week-end "par hasard" livre de Philippe Sands incroyable lui aussi par bien d'autres aspects…)

Martin Buber est un Philosophe juif Allemand qui s’est intéressé au pouvoir de la relation. Cet article sont mes notes de lecture, sans rien d'exhaustif ni d'universitaire...

 

A force d’objectiver le monde, l’homme se perd dans une forme de solitude. C’est dans la subjectivité des êtres, dans leur étonnement et ce qui fait leur relation, qu’une entrée est possible. Passer du « je Cela » (réification du monde) au « je tu » où surgit l’intention relationnelle entrée par l’intuition, on se « tourne vers », immédiatement, intervient la notion de réciprocité.

 

Le problème est que très souvent, dans la relation-même, on tend à objectiver l’autre. Il faut continuellement savoir lui rendre sa dimension subjective.

 

1ère partie : Les Mots principes –

Concept du « Je Tu » et du « Je Cela ».

Les hommes ont une relation empirique du monde (qui s’appuie sur l’expérience, l’observation) On le décrit, on cherche à le comprendre, on l’analyse, on le rend « objectif » dans la relation « je Cela ». Or le « Je tu » ne propose pas d’expérience. On n’a pas d’expérience du « tu ». p. 44 « C’est par grâce que le « tu » vient à moi. Ce n’est pas en le cherchant qu’on le trouve. Mais lui adresser le mot fondamental, c’est l’acte de mon être, c’est mon acte essentiel. Je m’accomplis au contact du « tu », je deviens « je » en disant « tu ». Toute vie véritable est rencontre."

 

L’homme qui vit dans une relation d’objets au monde n’est pas dans le présent. Il vit dans le passé. Il n’est pas en vie dans le moment présent dans ce qu’il n’y a que le « tu » qui précipite la relation, qui la convoque.

« Les essences sont vécues dans le présent, les objets dans le passé ».

 

Le plus difficile est que lorsque l’on a cette relation intuitive à l’autre, lorsque l’on voit le divin dans son visage (cf Lévinas) très vite, on a tendance à passer du « tu » au « cela », on fait rentrer l’autre dans nos grilles d’analyse, dans notre manière de voir et percevoir le monde…On résout l’énigme qui est en lui (du moins on croit la résoudre) et on « passe à côté de lui »…

« Commencer par soi, mais non finir par soi ; se prendre pour point de départ, mais non pour but ; se connaître, mais non se préoccuper de soi. »

 

Nous sommes ces êtres poreux qui sont façonnés par les autres, façonnés par les choses. Evoque l’image émotive qui traverse le corps

 

« Destinée et liberté sont fiancées l'une à l'autre. Seul l'homme qui réalise la liberté rencontre la destinée. »

 

« Lorsque, suivant un chemin, nous rencontrons un autre homme qui venait à notre rencontre, suivant aussi son chemin, nous ne connaissons que notre partie du chemin, non la sienne ; nous ne connaissons sa partie du chemin que dans la rencontre. »

 

 

Le je-tu nait d’une « liaison » naturelle, alors que la réalité du mot fondamental « je-cela » nait d’une « distinction » naturelle.

 

Selon la tradition juive, l’homme est initié de tout, il l’oublie à sa naissance.

Il est « la figure secrète de son rêve ». p. 57

 

L’homme nait de cette relation primaire à la mère, sans langage oral articulé, mais très vite le dialogue s’inscrit dans des élans de tendresse « je tu ». Puis le « tu » peut pâlir dans la relation, en ce que peu à peu on tend à en faire un « cela ». Un objet.

Ce qui conduit pour Martin Buber à faire un « gela en soi »… Le « Cela » devient « gela »

L’homme se plante en observateur devant les choses au lieu de les placer en face de lui pour l’échange vivant des fluides réciproques. (p.62)

Le Cela et l’objectivation du monde permet d’avoir un objet commun mais pour autant ce n’est pas le lieu où tu puisses te rencontrer avec autrui.

Si l’homme, au contraire, rencontre l’Etre et le devenir, sous la forme de son partenaire, il ne rencontre jamais une seule essence à la fois. Le monde qui t’apparait sous cette forme ne mérite guère ta confiance, car il t’apparait tout à coup sous une autre forme et tu ne peux le prendre au mot. Il n’a pas de densité, car tout y pénètre tout. Il n’a pas de durée car il apparait sans qu’on l’appelle et s’évanouit quand on le retient, il est confus. Si tu veux le rendre clair, il t’échappe.

 

p.66 « Le monde du Cela est cohérent dans l’espace et dans le temps. Le monde du « tu » n’est cohérent ni dans l’espace, ni dans le temps.

Chaque « tu », une fois le phénomène de relation écoulé devient forcément « Cela ».

Chaque « Cela » s’il entre dans la relation peut devenir un « tu ».

L’homme ne peut vivre sans le Cela. Mais s’il ne vit qu’avec le « Cela », il n’est pleinement un homme.

L’homme dans la rencontre du « tu » se sent en danger, car la situation de découverte de l’autre est inconfortable, difficile, évanescente, fluide, elle bouge sans cesse. Il a besoin du « cela » pour se rassurer. Mais le risque est qu’au contact du « cela » lui-même il se chosifie. Il se solidifie. Il perd sa vie.

 

Le monde de l’Homme

 

Le « cela » est toujours en pleine expansion, grâce à la rencontre du « tu »… On procède de façon empirique, on se sert des expériences passées, des découvertes, on a cette mémoire des choses qui permet d’élargir notre champ intellectuel. Le problème selon Buber, c’est que ce champ intellectuel s’élargit au détriment du champ spirituel (La force de relation)

 

L’Homme est la synthèse du langage : langage verbal, langage de l’art, langage de l’action, mais l’esprit est un, l’esprit c’est le verbe.

Vivre dans l’esprit c’est vivre dans la relation à l’autre.

p.84

Seule la présence de l’esprit peut infuser à tout travail la signification et la joie…

Que l’esprit, celui qui prononce le « tu » et qui y répond reste vivant et réel.

 

Le monde du « Cela » est le règne absolu de la causalité.

 

Le monde du « Tu » est cet appel à la réalisation du « je ». L’accomplissement de l’être par les deux pôles, le tout « comme représentation et le ‘je’ né en un éclair.

L’un                                      Et                                           L’autre

L’illusion                              Et                                           La mission

C’est en dérivant dans l’accomplissement de l’un qu’on trouve la force de l’Autre

La fin du livre de Martin Buber est souvent ardue, complexe. Il essaie de soulever les paradoxes possibles à sa théorie. Car rien n’est blanc ou noir. Les deux parties qu’il tente de définir se complètent.

Il évoque notamment cette année qui a marqué l’histoire des Religions depuis la nuit des temps, le degré de déterminisme dans lequel l’homme se retrouve enfermé, quelle est sa part de liberté, sa part de libre arbitre ? (Débat Luther / Erasme)

 

p. 93 De même que liberté et destinée sont solidaires, arbitraires et fatalité sont liés l’un à l’autre. Mais liberté et destin sont des fiancés qui enlacés composent le sens de la vie.

Arbitraire et Fatalité, le fantôme de l’âme et le cauchemar du monde, signent un compromis, vivent côte à côte tout en s’évitant, sans lien et sans frottement.

L’homme libre est celui dont la volonté est exempte d’arbitraire. Il croit en la réalité. Il croit à sa destinée. Il faut qu’il aille vers elle de tout son être.

 

Vivre dans le monde du « Cela » uniquement et le « je » perd sa réalité.

Le « je » est réel dans la mesure où il participe à la réalité. Il devient d’autant plus réel que sa participation est plus complète. La participation demeure implantée en lui et vivante.

Il garde la semence en lui.

La vraie subjectivité ne peut être comprise que de façon dynamique, comme la vibration d’un « je » à l’intérieur de la vérité solitaire qui est la sienne.

Nait le désir de la participation à l’Etre.

Dans la subjectivité mûrit la substance spirituelle de la personne.

 

Il distingue ici « personne » de « l’individu ».

 

La personne dit « je suis »                          L’individu dit « je suis ainsi »

Connais toi toi-même                                   Connais ton mode d’être.

La personne contemple son soi                               L’individu s’occupe de ce qui est sien.

 

Evoque Napoléon ou tout autre tyran. (Ecrit en 1928, ce livre dépeint la montée possible d’Hitler dans la folie du Narcissisme qui se situe en la personne et l’individu)

 

Troisième Partie : Le Toi Eternel

 

Nous ne connaissons notre histoire que notre départ, notre point d’origine. Le reste nous advient nous n’en avons pas connaissance. Ce reste nous advient dans la rencontre.

Elle comporte cette rencontre l’idée d’être élu et d’élire.

 

Rencontre : dépendance et liberté ne sont pas antinomiques. Ils participent d’un même mouvement. Pour pouvoir être libre il faut être relié au « tu »

 

Le monde de la relation se construit dans trois sphères.

La première est la vie avec la nature ; la relation y bute au seuil du langage.

La deuxième sphère est la vie avec les hommes ; la relation y devient explicite.

La troisième sphère est la vie avec les essences spirituelles ; la relation y est muette, mais elle engendre un langage.

Dans chacune des ces sphères, dans tout acte de relation, dans tout ce dont nous sentons la présence, nous effleurons du regard l’ourlet du Tu éternel, un souffle vient de lui à nous, chacun de nos Tu est adressé à l’Eternel, selon le mode particulier à chacune de ces sphères.

 

 p.144

Quelle est l’essence éternelle de ce phénomène de la présence dans le temps et dans l’espace que nous appelons la Révélation ? Voici : une fois passé l’instant de la rencontre suprême, l’homme n’en sort pas tel qu’il y était entré. Au sortir de l’acte de la relation pure, l’homme a dans son âme un « plus » un accroissement dont il ne savait rien auparavant et dont il ne saurait désigner correctement l’origine. L’homme a reçu quelque chose, et ce qu’il reçoit n’est pas un contenu, mais une présence, une présence qui est une force.

En premier lieu, une pleine et réelle et entière réciprocité, le sentiment d’être accueilli, d’entrer dans une relation, sans que l’on puisse dire le moins du monde comment est fait ce à quoi on est relié et sans que cette liaison nous facilite en rien l’existence.  Elle alourdit la vie, elle la rend plus lourde de sens.

Le deuxième point c’est l’indicible confirmation qui nous est donné du sens de toute chose. Ce sens a désormais un garant. Rien, rien au monde, ne peut être dénué de sens. Le problème du sens de la vie ne se pose plus. Mais s’il se posait, on n’aurait plus à le résoudre.

 

Le « tu » éternel ne peut devenir un « cela ».

La rencontre de l’homme avec Dieu ne se produit pas pour qu’il s’occupe de Dieu, mais pour qu’il mette en pratique le sens divin du monde. Toute révélation est vocation et mission.

Le problème est que l’homme plutôt que de se tourner vers le monde, se tourne sans cesse vers son auteur. Il oublie le monde au profit de la figure de Dieu, alors que la figure du Divin est dans la présence au monde.

Au lieu de laisser agir en lui le Don, réfléchit à celui qui donne et manque à saisir et l’un et l’autre.

 

Le revirement produit la naissance du Verbe (Quand le mouvement qui allait du Divin vers l’Homme, voit l’Homme rendre ce qui lui a été donné. C’est cela le revirement, cette capacité de l’homme à rendre au monde ce qui a été inscrit en lui, a porté sa marque sur le monde, sa capacité à laissé une trace, un Don.)

Le revirement produit la naissance du Verbe sur la terre, l’expansion l’enferme dans la chrysalide de la religion, mais lors d’un revirement nouveau, il renaît avec des ailes.

 

 

 

 

"Je tu" Martin Buber
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