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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

La transmission

Publié le 15 Juin 2020 par F. B.

La transmission

 

Difficile de comprendre ce qui se joue dans le lien à l’enfant, ce qui malgré nous, réveille les fantômes de notre propre enfance.

Le parent apparait dans toute sa maturité quand il sait entrevoir la lumière de ses propres peurs, à travers la perception de fragilité que seul l’enfant lui témoigne. L’enfant vient rappeler à l’adulte ce qu’il a lui-même été, il vient lui rappeler sa fragilité, ses propres angoisses… On croit souvent que l’oedipe serait ce mouvement de dégagement de l’enfant du joug de ses parents, mais il s’inscrit en réalité aussi dans le mouvement inverse de ce que l’enfant vient « révéler » ses propres parents, l’enfant vient offrir à l’adulte qui sait l’observer, la part manquante de ce que lui-même n’a pas su être. Point de jalousie ou de superposition des sentiments, un autre se dessine tout simplement.

 

La vie est très courte et pourtant ses étapes sont parfois très marquées. Comme si après l’enfance on passait un col au sortir de l’adolescence et tombait dans une autre vallée, celle de l’âge adulte, où l’on s’empresse d’enterrer celui ou celle qu’on a été.

Il est parfois plus difficile de dialoguer avec soi-même, avec son propre passé, qu’avec ce que l’enfant veut bien nous montrer. Mais on ne peut progresser dans la relation, dans la compréhension de ce qui se noue entre l’enfant et soi que si on accepte de visiter ce passé.

Cela ne veut pas dire se souvenir, ausculter ses moindres failles, cela veut plutôt signifier, s’abandonner, accepter la richesse du point de vue qui nous est apporté.

Comprendre l’Autre, c’est accepter de voir ce que cela fait en nous. Ce qui se « joue » en nous. Quel théâtre, quel décor, quels acteurs…

C’est accepter l’humilité du ressenti en soi. Ce n’est pas un mouvement facile ni évident, c’est contre intuitif parfois, mais pourtant, on ne peut accueillir une parole, une pensée, un geste, qu’en percevant se qui se dessine en creux en soi. On ne peut accueillir les larmes, l’angoisse, de son enfant, qu’en percevant le mouvement contre-transférentiel ressenti en soi, au plus profond. Que ce soit de la tristesse, de l’empathie ou une forme d’agacement, il est important de sentir se qui se dessine en soi. Et si on n’éprouve rien, accepter l’ « échec » de la relation. Le rien fait sens.

Cela ne veut pas dire que quelque chose ne va pas se dessiner, qu’un sens ne va pas jaillir un jour, mais cela veut dire que l’on n’est pas en mesure, sur son propre chemin, d’accueillir un être dans sa globalité. Quand une peine, une angoisse, un chagrin est rapporté, on a tendance à avoir deux mouvements qu’il faudrait pouvoir analyser. Soit on cloisonne, on cantonne, on laisse l’enfant avec ce chagrin, cette souffrance, voire on le stigmatise en disant : « pourquoi t’es comme ça ? Pourquoi tu pleures tout le temps ? Je ne te comprends pas… »

Soit on fait sien le chagrin, on se l’approprie, on le couve, on pleure soi-même et on disparait dans la fusion de l’émotion.

Le chemin à suivre est étroit, la pente parfois escarpée, c’est une ligne de crête entre deux vallées… Pour cela, il faudrait pouvoir lire ce qui se dessine en creux en nous, lorsque l’enfant pleure, ce que cela nous fait revivre, quelles sont les émotions qui passent et qui circulent en nous. Interpeler l’enfant en soi, comme un Autre, une tiercéité pour révéler le message de l’enfant présent, pour comprendre ce qui se jour de moi à lui, dans la triangulation, Adulte, enfant tapi en soi, enfant à qui on s’adresse.

 

Que le message trouve un écho, une sonorité, qu’il trouve l’épaisseur nécessaire pour être lu, entendu, compris.

 

Lire ce qui se joue, pour mieux considérer l’autre dans son altérité, pour lui trouver des points d’étai.

Ce n’est pas facile à comprendre comme cela, mais cela consisterait ensuite, non pas à lui répondre par la force d’assertions, mais à l’amener à s’interroger, à se poser les bonnes questions pour devenir sujet. Non pas le couvrir d’affirmations, d’injonctions, de récit, mais bien plutôt lui prêter une oreille attentive, le laisser « émerger », traverser ses peurs, ses pleurs, ses angoisses. Lui apprendre que cela est humain et que rien dans ce qu’il vit ne nous est étranger. On a eu peur, on a pleuré. Quand l’adulte fait preuve d’humilité, il revient plus facilement à l’enfant qu’il porte en lui, à cette source de vie, qui permet d’éclairer le chemin de l’enfant qui vient. Rien n’est superposable, son histoire n’est pas la nôtre, mais tout est compréhensible, « entendable » audible. Pour une jeune fille, sortir du mouvement fusionnel avec sa mère, signifie accéder à la sexualité. Cela veut dire que la mère est prête à accéder à cette pensée de laisser sa fille entrer dans l’âge adulte. Rien n’est moins sûr, rien n’est moins facile.

Tout d’abord il faut qu’elle y soit parvenue elle-même, qu’elle accepte l’idée de jouir pour autre chose que pour la procréation, qu’elle ait elle-même gouté les plaisirs du partage sexuel dans l’altérité.

Pour le fils face à son père, cela signifie que ce dernier accepte que celui qui a été sous son joug, qui a vécu sous ses affirmations, sous sa pensée, celui qui s’est conformé à ses plans, à son autorité, puisse un jour le dépasser. Qu’il puisse un jour inscrire son existence sous une autre étoile que celle de la transmission qui s’est faite parfois par excès d’autorité.

 

Profusion d’amour fusionnel d’une part, violence d’une éducation teintée de rivalité et de la peur d’être dépassé d’autre part, étouffement du narcissisme dans les deux cas, l’enfant doit traverser des forêts dévastées et de mornes plaines avant de lâcher le petit bout de l’enfance mortifère qui le laissait coincé dans l’Oedipe ; souvent le grand bouleversement n’interviendra que lors du décès de l’un des deux parents. Cela peut paraitre incroyable écrit comme cela, mais on peut vivre jusqu’à 50 ans sans réellement passer dans l’âge adulte, attendant l’autorisation inconsciente d’un des deux parents.

 

Ceux-ci n’ont très souvent pas envie de lâcher le butin originel. La beauté et la séduction pour la femme, la force et l’autorité pour l’homme. Voir son enfant grandir, c’est apprendre à renoncer. C’est apprendre à vieillir ; C’est accepter que l’Autre qui se trouve en lui, le portera vers de nouveaux chemins, vers de nouvelles contrées. Pas forcément celles qu’on lui avait dessinées. L’Oedipe pour pouvoir être perçu dans sa globalité, doit laisser se dessiner les deux mouvements entre l’enfant et ses parents. Le mouvement ascendant qui est celui que l’on définit en premier et qui serait cette volonté de se dégager de tout ce qui a été reçu depuis son plus jeune âge, dans un mouvement transférentiel très marqué, non pas pour le trancher, pour le juguler, (sinon l’Oedipe ne serait pas fait) mais bien pour le symboliser, et ensuite le transposer, le transfigurer. Sortir se défaire de la séduction de sa propre mère et parvenir à traverser les stigmates de l’autorité de son propre père. Mais l’enfant ne pourrait survivre à son propre auto-engendrement. C’est pourquoi il est nécessaire de bien mettre en lumière le deuxième mouvement de l’oedipe, celui descendant qui vient des parents.

Le mouvement descendant serait l’acceptation dans le regard des parents de voir son fils ou sa fille devenir un adulte qu’on n’aura jamais été, accepter la différence qui s’écrit en lui/elle par l’accueil de l’Autre que l’on porte en soi. Une forme de sagesse, et d’amour qui pour le coup s’inscrit dans « l’agapé », non plus dans le « filae »… Mon fils ou ma fille possède en lui cette étrangeté qui me le rend différent mais que j’aime à travers l’héritage que j’ai su lui offrir. Il deviendra autre et par cette autorisation pourra débuter sa propre histoire.

 

 

… A suivre…

La transmission
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