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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

Guerre Louis Ferdinand Céline

Publié le 4 Mai 2022 par L. F. C.

Guerre de Céline

 

Comment exprimer la sensation éprouvée en ouvrant l’ouvrage « Guerre » de Louis Ferdinand Céline ? Comment exprimer la joie de cette « essence », de ces visions pictogrammiques d’avant le langage. Céline, ce sont des images, des ambiances, des voluptés, des cris, des odeurs, des impressions, Céline, c’est ce style reconnaissable entre mille, légèrement gauche, de guingois, ce style que l’on dit « oral » mais qui, je dirais, fait des échos, des résonnances poétiques, est polyphonique… Ce sont des précipités d’impressions, d’émotions et puis c’est un humour, à nul autre pareil, ce rire qui claque, cet humour noir désespéré, cet humour noir de l’homme qui git au fond de son lit et qui n’a plus que quelques heures à vivre, qu’a la tête qui fuit et les idées qui se déversent sur la page d’une création… Alors oui, il les regarde les fesses serrées des infirmières, ces fesses rebondies, dessinées qui déforment les blouses et sont autant de promesse de volupté… Alors oui il les prend ses quartiers en battant la campagne avec son compagnon Bébert ou Cascade…Oui il la cherche cette liberté au-delà des lignes, au-delà de la guerre, au-delà de la barbarie humaine. Céline à travers son personnage de Ferdinand est un traumatisé de la grande guerre, Céline est un écrivain qui a attrapé la guerre dans son crâne comme on attrape une maladie… ça tambourine, ça éructe, ça diffuse, ça revient en écho, il ne s’en défait jamais…Céline que ce soit en amour, en humour, en escapades buissonnières a toujours le gout de cet absolu, cet élan caractéristique vers davantage de volupté… Cet espoir de consolation des corps meurtris, brisés. Céline a ce regard et ce style qui aujourd’hui reprend le dessus après des années de polémique sur ces pamphlets. Grace à « Guerre » la littérature revient au premier plan et le plaisir du lecteur que je suis est intact.

 

            Pastiche

« Ferdinand qu’il m’dit, essaie donc pas de trembler comme une feuille, essaie de pas vibrer, délirer, comme t’es en train de le faire. Respire, brasse l’air à grandes goulées, mais arrête de nous faire chier. Tu vois pas qu’t’emmerdes le monde à t’sentir supérieur, à prendre tes grands airs quand au fond la seule chose qui compte c’est d’savoir comment on est dans le fond, Comment on respire, comment ça vibre au fond de soi, rapport aux émotions, comment ça danse sur le fil de sa vie, comment on peut jouer sa partition avec éclat. Laisse-toi aller et chante à pleins poumons. T’es un accordéon Ferdinand, laisse enfin un peu d’air rentrer, laisse-toi ventiler, laisse toi voluminer, prends de l’essor, prends de l’entrain, laisse-toi encanailler… Tu vois bien que tu n’ maitrises rien, tu vois bien qu’ton destin il est cul par-dessus tête, dépendant de trop de choses, et que quand tu te mets trop à réfléchir, t’es perdu, t’es happé, déchiré. Tu voudrais dire, ressembler, te poser, mais c’est pas toi ça, t’es dans l’éclat, le bringzingue, le différent, t’es pas conscient qu’t’as de l’or dans les mains et qu’cet or là on pourra jamais t’l’enlever… C’t’or là s’appelle le style, la plume, quand le stylo court sur la feuille, quand le vent embrase les feuilles, qu’le ventilo parcoure la page et emporte tout sur son passage, c’est ça Ferdinand, laisse courir les lutins qui t’réveillèrent un beau matin, laisse ce visage de ta conscience se dessiner sur le papier ; On voudrait tout décider, tout rationnaliser pour faire rentrer un tas de données dans un tableau excel, mais là, t’es bon à rien, t’as le cerveau qui s’éteint, t’es pas de ce bois-là, t’es pas d’ceux qui lisent leur partition assis en essayant de la jouer maladroits, toi t’es vacillant, toi t’es chancelant, improvisant, t’as trop voulu faire comme ton frère en chemise et col blanc, toi t’es cette brise, ce corps tremblant, arrête de ruminer, t’es pas lui, il n’est pas toi, tu t’enfuis comme quand tu étais petit, t’es l’insaisissable qui tire le fil de la vie, les quatre chandelles, qui les brule à tire d’aile, t’efface ton destin pour dessiner d’autres chemins, tu as le geste maladroit du gaucher qui efface ce qu’il est en train d’écrire, tu es cet éphémère à l’écriture chancelante qui se revoit en CP, travail absurde que d’écrire sur les lignes quand la main se tord pour laisser vivre quelques tâches d’encre… Il n’y a que la nuit, au creux de tes insomnies, que ton encre reprend appui sur les traumas de l’enfance et sur ta vraie différence, celle de tes oreilles qui récoltent le pas pareil, celles qui vibrent quand elles entendent trois sous de piano, celles qui pleurent car elles aiment trop les mélos, tes grands yeux embués ne peuvent plus rien contrôler, ça peut être n’importe quel tube à la radio, encore une fois t’es pas là pour décider, t’as qu’à écouter, t’es le miroir de tes émotions, et elles t’emportent à tire d’aile dans des contrées inexplorées. T’as 8 ans, tu ne sais pas ce que tu chantes, t’emmêles toutes les paroles dans les grands crayons de tes pensées, mais tu vibres sur ton lit en imitant tous ces chanteurs qui t’font rêver. T’es un jeune écervelé qui reprend les paroles à la volée, t’as toujours été ce buvard qui ne contrôle rien de l’existence, parfois tu t’étouffes à vouloir tout retranscrire mais parfois tu vibres à ressentir ces papillons qui volent sur le papier, alors ferme ta gueule Ferdinand, et cesse de t’apitoyer, estime toi heureux que tes deux frangins ne t’aient pas de nouveau taper, tu crois pas qu’ils t’ont vu chanter, tu crois pas qu’ils ont vu comme ton père te regardait, tu crois pas qu’ils ont compris comme tu respirais, comment tu chantais juste pour le faire se dérider, tu poses ton show là au milieu du repas dominical imitant les chanteurs venus d'ailleurs, tu crois pas qu’ils ont vu tes conneries, tes singeries quand tu t’emportes sur ton lit, qu’t’essaies de chanter comme ces célébrités, tu crois pas qu’ils ont compris que t’étais cette fleur coupée qui n’a plus ni terreau, ni terrier, alors oui, tu flottes aux quatre vents, oui tu épates la galerie mais cherche pas à jouer à côté, cherche pas à ressembler, file sur le chemin de ce récit, celui qui te ressemble à toi, qui se condense dans un éclat de rire, un mime, un sursis, t’es ce marque page sur un livre non écrit, t’es ce dément sur un scénario non encore construit, tu chemines dans ta tête, pressé par des vents contraires, tu sens bien que contrairement à eux t’a pas ce solide, cet ancré dans le sol, en cela tu ressembles à ton père, vous êtes des faux terriens, vous êtes plus aériens, plus volant, des fous chantant, qui s’accrochent aux partitions comme on s’accroche aux branches, sans pouvoir les reproduire avec succès, tu vibres aux quatre vents sans trouver la clef des chants…Allez je te laisse, tu m’fais de la peine, quand tes yeux dansent sur la page à vouloir définir l’origine de qui tu es, elle est trop grande l’énigme Ferdinand, t’arriveras jamais à l’approcher, relis ton copain Céline, reste dans l’idée que tout ce qui s’accroche pas à la page c’était que ça devait pas exister, reste sur le style, l’éphémère, et l’encre non séchée, reste sur le souvenir fugace d’un chant improvisé, il y a que là qu’on peut te laisser t’exprimer… Bonne Chance Ferdinand, y a plus qu’à espérer que tu m’entendes causer… »

Guerre Louis Ferdinand Céline
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