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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

Les silences de mon enfance

Publié le 30 Juin 2012 par Envers du décor

Il est des silences heureux, il est des silences confiants…

Il est des silences sombres, il est des silences glaçants…

Si je devais mettre en parole des silences, je commencerais par ces silences de la petite enfance, ceux où terrorisés, on se replie dans la chambre…

Ce silence qui suit la colère, ce silence qui respire le champs de bataille lorsque les coups de feu viennent d’être échangés…On se resserre, on se rassure, entre frères on murmure : « ça va aller… » Mon père se retire dans sa chambre, cette immense chambre bleue nuit qui l’enveloppe comme un linceul…Il peut y rester des heures à lire LeMonde, son monde, celui qu’il ne partage pas…Son silence est violent, il exprime toute son amertume, sa colère de ne pas être compris, de ne pas être aimé, que l’on ne comprenne pas sa vérité…

Ce silence nous terrorise, nous tétanise, je me souviens de sautiller sur place pour aller aux WC, mais de ne pas oser, tant j’avais peur qu’il ne sorte de sa chambre. Le champs de bataille pouvait offrir une dernière salve, je n’aurais pas voulu prendre une balle perdue pour un pipi de bambin… ça irait mieux le soir venu…Le repas, l’incontournable repas l’amènerait à sortir de sa tanière…Ma mère, les yeux encore rouges, ne dirait rien…Tout se ferait en silence, à demi-mots, comme si un mort se trouvait dans la pièce d’à côté… « Passe-moi le sel » me chuchote mon frère, on se fait des gestes, c’est souvent le moment qu’on choisit pour prendre un fou-rire…Mais un regard du père, une lévre pincée et le fou-rire est étouffé…Ces silences m’ont toujours terrorisé et amené à penser que mes parents allaient divorcer…Je ne sais pas si vous avez déjà rencontré ce sentiment où tout est en suspens, vous avez l’impression que votre monde intérieur va s’écrouler… « Et si mes parents divorçaient ? Oh non, c’est horrible… » Je préfère ne pas y penser et plonger dans le silence de ma copine Frédérique…Ce silence-là aussi je tenais à vous en parler, car s’il n’a de commun avec le silence du père que le nom, c’est un silence ouaté, un de ces silences où l’on aime se réfugier, elle me regarder, je chavire…Je plonge dans ses grands yeux bleus, et l’on joue de ce silence…C’est un silence généreux, on est bien, pas la peine de causer, ce serait creux…C’est un silence animal, le silence de quatre heures et demie, à l’heure du goûter, celui où l’on partage un moment d’intimité du haut de nos 6 ans, on ne sait pas encore ce que veut dire « amour » et tous ces grands sentiments, et pourtant on l’éprouve déjà, en plein dedans, à la pointe du cœur, de celle qui fait aimer, sourire et grandir…On se regarde et on s’approche, on regarde ailleurs, les autres au loin nous montrent du doigt, tortillent des fesses en hurlant : ouh les amoureux ! On regarde droit devant, on respire à l’unisson, ce silence est immense, la mer de nos désirs, on y plonge ensemble, de ça aussi je saurai me souvenir…

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