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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

qu'il est bon de vieillir...

Publié le 20 Mars 2018 par Franck Benin

20 mars 2018

 

J’aime pouvoir contempler tendrement le monde qui m’anime. J’ai déjà 42 ans, je viens de les fêter dimanche et je me sens encore le cœur d’un enfant, l’impétuosité d’un adolescent, la fougue sentimentale de mes 20 ans. Pourtant au coin des yeux, et dans quelques endroits de mon corps, ma peau se hérisse, ma peau renonce, elle fait défaut…C’est subreptice, léger, mais ça m’aide à penser. C’est le début du respect…La première ride résonne avec la première faille, il est temps de s’écouter. Non pas que l’impétuosité violente et inconsistante de mon passé est à bannir ou oublier, mais je sens que s’ouvre en moi un chemin plus calme, moins escarpé…

Ce chemin que l’on découvre en sortant du bosquet, quand le plateau que l’on vient d’atteindre par le petit sentier s’ouvre largement sur un faible dénivelé…On sent la fraîcheur du buisson, l’ombre est belle car éphémère, en son centre chuchote une rivière…

J’arrive à ce moment de la vie où l’on souhaiterait pouvoir enfin prendre le temps de se dire, accompagner son propre mouvement intérieur, celui que l’on ressentait déjà du haut de nos deux ans, lorsque fébrilement on se redressait en tenant le foin à pleines mains, fragile équilibre qui pourtant permettait le sourire aux parents charmés par l’exploit de l’enfant.

Pouvoir sentir cet élan d’amour qui brille en nous et construit l’adulte que nous sommes, il est poésie en son essence même et ressemble à une carte de géographie qui rassemblerait tous les meilleurs moments de notre vie. Des premiers exploits de la marche, aux premiers éclats de rire sonores, quand on parvient à faire plier ses deux frangins un peu plus grands par quelques cris surpuissants. Cette carte de géographie émotionnelle tend lentement à se déployer, comme un parchemin froissé de l’identité, perdu dans un coin de nos pièces intérieures. Il réserver mille récits, mille odeurs, du parfum de maman, à cette odeur de buis de nos cache-cache d’enfants… Il permet la résurgence de cette senteur de paille qui éclaire un soleil quand le soir de ma Bretagne embrasait les longues haies…

Il claque et frappe lorsque bagarres et gros mots en cascade s’éboulent sur les trois frangins en furie. Car s’il y eut de l’amour, il y eut aussi de la folie, des coups de griffes, des vengeances, des cris, des « non tu l’auras pas, cette voiture elle est à moi… Si tu t’approches je la jette par la fenêtre…Non tu peux pas faire ça, t’es même pas cap’ »…

Trois frangins si proches et si rivaux, fallait que maman tienne le coup, car le papa une fois parti, il y en eut des conflits…

Ce qui m’étonne, c’est que l’on pourrait croire qu’avec le temps le souvenir s’estompe, le cri s’évanouit. En ce qui me concerne, je ressent le contraire. Comme si ma mémoire émotionnelle permettait de prendre le raccourci, celui du plus court chemin à ces vaisseaux de l’enfance… Travailler par mes écrits depuis toutes ces années me permet de mieux visiter ces émotions du passé, j’endosse mieux ces événements, je sens mieux cette part du réel qui m’a construit. Ces souvenirs sont tangibles car ma propension à l’émotion est intimement plus sensible. Il me semble que j’approche mieux ce monde invisible tapi au fond de soi…

Je vois l’enfant que j’étais, qui du haut de ses quatre ans, tentait d’attraper la lumière. La maitresse agacée, me demandait d’écouter, son histoire devait forcément m’intéresser. Or il n’en était rien, à travers des étoiles de poussière qui tranquillement dévoilaient la lumière, je faisais la plus belle découverte de mon enfance : celle de parvenir à capter cette lumière, par le regard. Cette idée ne m’a plus quitté. Où que j’aille, quels que soient les gens que je rencontre, j’aime ces espaces fragiles, ces rayons indicibles qui tapissent nos êtres intérieurs.

Je cherche l’envers du discours, l’inspire, le silence qui précède le sourire, le moment où, ce « sincère » vient doucement se poser sur cette lumière. Et tout cela se déploie, sereinement, grâce aux hasards qui n’en sont pas, aux lectures, aux randonnées, à toutes ces rencontres que je fais ici, ailleurs, sous la plume du stylo parfois, grâce à tout  ce qui me tient en éveil, à tout ce vécu qui s’amoncelle et me fait dire sans cynisme et sans défaite, qu’il est bon de vieillir…

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