Eloge du "Méchant"

Etre vivant, c’est être méchant…

Heureux les gentils, voyez leurs beaux habits, tout drapés de blancs, innocents, pétrifiés dans leurs idées, leurs pensées….Ils véhiculent toute leur bien-pensance, cette « dégoulinance » comme leur parents leur ont appris, pour ne pas se révolter, de peur d’assumer leur sombre pensées… Les gentils vivent immobiles, ils se perdent en formules de politesse dans un quotidien aseptisé, ils disent penser aux autres pour mieux se voir eux-mêmes, ils se sentent bons, généreux, propres et glissent les prémices de leur révolte intellectuelle sous le tapis gris du quotidien, qui leur répète inlassablement que tout va bien, un quotidien bordé, brodé, fait main, tricoté, pour ne pas déranger…

Le gentil n’a pas un poil qui dépasse, il est fun, il est cool, toujours à propos, il rassure, il congratule, il va dans le bon sens…

Le gentil est bien coiffé, il tourne la tête, quand ça crie, préfère ne pas voir, des fois que ça parlerait de lui…

Le méchant, l’affreux, le sale, le miteux, le teigneux, le revêche, se conjugue au pluriel, il est enfin né au monde, il apparait…bien sûr il fait peur, il désarme, il délire, il dévore, le méchant claque la porte à notre nez, il dit sa façon de penser, il est rebrousse-poil, il terrorise, il terrifie…Souvent d’ailleurs, il a de moins en moins le droit de s’exprimer…On le marginalise, on le « pathologise »…On le réduit…On le dit « Bête et méchant »…Dans nos sociétés, faudrait point trop penser, or le méchant a une grande gueule, une langue bien pendue, d’où qu’il soit, il faut qu’il la ramène, il a un point de vue…On n’est pas obligé de le suivre, mais on est obligé de l’entendre…Avec lui ça gueule fort, la table de la bienséance devient bancale, il ne dit pas merci, il n’a pas souri, il est Heavy Metal…La nappe devient tâchée, il a tout fait tomber, on n’peut plus faire semblant, on est moite, on est mal, on tire les manches de sa chemise, on remet le bouton manquant…Mais on ne peut pas ne pas le voir….Le méchant il a l’feu en lui, d’où qu’il soit, ça craque, ça casse, ça fuit…Le méchant est en chacun d’entre nous, il terrorise notre monde intérieur, il brûle les poupées de l’enfance, il est cynique, il est caustique, il éclate son rire à la face de la sérénité…C’est son côté punk qui prend le dessus, renverse la table, terrorise mamie…
Il a de l’éclat, du relief, de la poésie…C’est le mal qu’il essaime qui permet la moisson, la création…

Il s’entête, il s’obstine, il est de mauvaise foi, mais pourquoi il crie comme ça ?, qu’est-ce qu’il lui a pris, il est hors la loi, il est hors de lui, rien ne l’arrête…Jamais de repos, toujours en révolte, contre ce qui glisse, statufie, rend gentil…
Un enfant méchant c’est un enfant qui a pris l’initiative, qu’a pas fait comme l’adulte pensait….Il est méchant, il a renversé le pot de billes, il sera puni…

La méchanceté s’inscrit dans nos gênes comme de la mauvaise graine, elle aide à penser, elle nous donne envie d’exister…Et si on déplaisait aux parents, aux flics, à la société…Faisons une farandole de méchants autour de casimir et ses gentils amis, égorgeons la belle pensée, pensons mal, pensons bad…

Donnons-nous le permis d’exister vraiment !