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Un journal, des réflexions, des lecture, de la poésie et quelques envies

Notes de lecture Zeugma de Ouaknin

Publié le 16 Janvier 2014 in Lectures

Notes de lecture

Janvier 2014

Je lis le magnifique livre de Ouaknin « Zeugma » et ai parfois l’impression qu’il n’est pas de hasard, que je devais le lire à ce moment précis, car outre le fait que c’est un magnifique moment de lecture, d’humour, d’esprit, j’ai l’impression qu’il me parle de moi-même, de ma difficulté d’être, d’apparaitre…qu’il dessine pour moi, une philosophie que je tente de définir, mais que je ne parviens pas actuellement à tracer…mon quotidien, ma vie en couple, mon état intérieur sont à l’étroit, ne parviennent à exprimer ce que Ouaknin, et avant lui Husserl, expriment magnifiquement…La théorie de l’apparition propre à la phénoménologie et l’appréhension, la compréhension de l’objet qu’est le monde, l’approche de l’autre comme Autre et non comme prolongement de soi…Appréhender le monde non pas comme le réceptacle de caprices et autres projections, mais comme une radicalité différente, radicalité qui n’empêche pas la rencontre, quand on sait laisser les portes ouvertes en soi, ces portes de l’appréhension ou plutôt portes de la rencontre qu’on avait « grandes ouvertes » dans la petite enfance mais que notre éducation, l’héritage de nos parents, notre incompréhension de l’autre, calqué sur nos peurs intérieures, ont soigneusement refermé…L’enfant que j’étais, vivait en pleine conscience, j’ai envie de dire en pleine confiance, mais il n’a su garder en lui, ouvertes, les portes qui lui offraient le monde extérieur, aujourd’hui il cherche la clef…

Je cite : « Il m’apparait aujourd’hui clairement que la figure littéraire que représente le zeugma a un rapport essentiel avec la phénoménologie, cette philosophie qui fut à la mode à Göttingen en ces années où Proust écrivit la première phrase de la recherche et Kafka se cherchait encore, où Husserl donnait ses conférences sur l’ « idée de phénoménologie ».

Si « phénoménologie » vient d’un verbe grec qui dit l’apparition, le dévoilement, la lumière et la clarté, la phénoménologie cherche à expliciter les modalités de ce dévoilement, ses possibilités ou ses impossibilités. Et contrairement au sens du verbe grec, la phénoménologie souligne l’impossibilité d’un dévoilement radical du monde : la conscience est toujours en retard sur le monde et le monde en excès sur la conscience (je me rappelle ici la phrase de Lévi-Strauss : le monde n’est pas pensable) C’est dire qu’il n’y a pas adéquation de la conscience et de son objet, ou en langage husserlien, entre la visée de la conscience, la noèse et l’objet visé par la conscience, le noème."

Le « destin » est la fermeture absolue de l’être sur lui-même. La phénoménologie est une recherche de l’ouverture du sens et de l’être, et cela de manière infinie, en introduisant justement l’infini dans la perception, un au-delà qui toujours excède cette perception même, quelque chose d’une extériorité radicale, toujours extérieure, toujours autre, une altérité qui peut être celle, la plus profonde la plus infinie, de l’Autre, c’est-à-dire l’Autre homme, ou tout simplement celle de l’objet, qui puise son infinité dans les horizons dans lesquels il est enchâssé, inclus, protégé.

Cet autre ou cette altérité, termes que j’aurais préféré éviter à cause de leur galvaudage contemporain, constituent une opposition et une résistance à la totalité et à la totalitarisation, une extériorité, un infini et une transcendance. C’est le sens du titre de l’œuvre maitresse de Lévinas : Totalité et infini.

Comprendre cette philosophie, c’est en comprendre les fondements méthodologiques, où la méthode est déjà l’essentiel du contenu.

La méthode phénoménologique c’est bien sûr, comme toute philosophie, un commencement, un commencement qui commence avec l’étonnement. Mais non pas pour arriver comme chez Platon ou Hegel à la Vérité, (et là je ne peux m’empêcher de penser à mon père) à la certitude et au bien, mais pour se maintenir dans cet étonnement, cette jeunesse, faudrait-il dire de la perception, car chaque objet perçu ne donne chaque fois qu’un aspect de lui-même et non une totalité ou une essence.

Il y a, me semble-t-il chez tout lecteur de la phénoménologie, un préjugé qui court sur le fait qu’il y aurait une forme d’intuition qui donnerait l’objet « en lui-même ».

Au contraire, la phénoménologie nous invite au phénomène même de l’apparition, à ce moment de l’apparaitre, en rappelant qu’être, c’est apparaitre, et que dans ce nouvel et constant apparaitre la nature de la perception est à chaque fois différente car le contexte de l’apparition, que ce soit du coté du sujet ou de l’objet est différent.

Ce contexte est le fondement même de la pensée phénoménologique. ( je pense à ces étiquettes posés sur les gens, par la famille qui ne varient jamais selon les contextes.)

« Car l’analyse intentionnelle qui est la recherche du concret conduit à des notions qui, bien que prises sous le regard direct de la pensée qui les définit, se révèlent cependant implantées, à l’insu de cette pensée naïve, dans les horizons insoupçonnés par cette pensée. Ces horizons lui prêtent sens, voilà l’enseignement essentiel de Husserl.

Ainsi les objets, comme les personnes et les mots, signifient toujours plus que ce qu’ils ne veulent dire. Leur « pouvoir dire » est toujours supérieur à leur « vouloir dire », transcendance herméneutique, transcendance tout court et apparition d’une expérience de l’étrangeté, de l’infini, d’une extériorité radicale, d’une extériorité métaphysique, qu’il faut laisser « être », respect qui constitue la vérité.

Zeugma est précisément l’attelage de tout objet, sujet et mot, avec d’autres objets, sujet et mots, le zeugma est la trace permanente de l’infini au cœur du fini, le rappel vigilant d’un être toujours ouvert sur un au-delà de lui-même dans une exscendance, qui est excès et transcendance.

Notes de lecture Zeugma de Ouaknin
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